Dans le chaos, relever la tête

Prédication du 2e dimanche de l’Avent

7 décembre 2025

(Luc 21, 25-33 & Esaïe 63, 15 – 64,3)

Dans le chaos, relever la tête

L’Avent. Ce temps de veille, d’attente, de préparation. Ce temps où nous chantons, où nous pâtissons. Ce temps où nous décorons nos villes et nos maisons de lumières et de douceurs. Pourquoi ?

Ce n’est pas pour rien. C’est pour nous réconforter, nous réchauffer, nous éclairer. Car l’Avent est au cœur de la nuit. L’Avent est même au cœur du chaos. Les textes bibliques que nous venons d’entendre ne nous ménagent pas : le monde tremble, les mers grondent, les puissances s’ébranlent. Ésaïe crie vers Dieu : « Où est ta force, où est ton amour brûlant ? Ta tendresse et ta bonté, nous ne les ressentons plus. »

Nous connaissons nos propres nuits. Nos cœurs entendent le fracas du monde : incendies, inondations, dérèglement climatique, guerres qui tuent ailleurs dans le monde et qui nous menacent jusqu’ici en Europe. Et dans nos vies : les tensions, les déceptions, les violences, les pertes, la fatigue, la solitude.

Et voilà que nous baissons la tête. Nous nous recroquevillons. Nous fermons les yeux. Nous nous sentons écrasés, impuissants.

Et pourtant, au milieu de ce tumulte, au milieu du chaos, une parole surgit, claire et inattendue :
« Quand ces choses commenceront à arriver, redressez-vous et levez vos têtes, car votre délivrance approche » (Luc 21,28).

Relever la tête : Un geste simple et vital. Un geste de vie.
Pensez au tout petit bébé, au nouveau-né. Quand il nait, il ne peut tenir sa tête tout seul. Dans les 1eres semaines de sa vie, on la soutient avec précaution. Et une des premières choses que les bébés humains apprennent, c’est à tenir leur tête. Tenir la tête droite, c’est déjà survivre, c’est déjà rencontrer le monde. Dans l’Évangile de ce jour, Luc nous invite à ce même geste, mais dans la foi : relever notre tête pour discerner ce qui vient de Dieu, même au milieu du chaos.

L’humanité imagine un sauveur puissant, imposant, capable de tout dominer et de tout mettre en ordre. C’est le cri d’Ésaïe « Ah ! si tu déchirais le ciel et si tu descendais ! Les montagnes trembleraient devant toi. Tu serais comme le feu qui brûle les buissons, ou qui fait bouillir l’eau. »

Mais Dieu n’a pas choisi de nous rejoindre ainsi.

Il a choisi la fragilité, la précarité, l’inattendu. Dieu vient comme un petit enfant. Dans les crèches de nos maisons, nous aimons les décors doux, les petites lumières, la mousse confortable, la neige qui scintille.

Mais il serait plus juste de déposer notre petit Jésus dans une crèche d’apocalypse : au milieu des gravats, au pied d’un volcan en feu, entouré de ruines et de tempêtes. Ou encore dans les couloirs des hôpitaux et les cellules des prisons. Ça c’est l’image de Noël : Dieu vient dans notre chaos, dans nos ruines, dans nos vies brisées.

À Bethléem, Munther Isaac, pasteur luthérien, a installé en 2023 une crèche intitulée Christ in the Rubble. L’enfant Jésus y naît sur des gravats, emmailloté dans un petit keffieh, au milieu des ruines et du chaos. Cette image frappe : elle nous rappelle la violence et les souffrances que subissent nos frères et sœurs palestiniens, et nous dit que Dieu vient dans nos fragilités, nos nuits et nos ruines, qu’Il se tient aux côtés de ceux qui souffrent, même là où tout semble brisé. »

Relever la tête, c’est discerner. C’est ouvrir les yeux pour voir la lumière dans la nuit. Nos cœurs attendent des signes spectaculaires, des gestes puissants. Ce serait plus facile n’est-ce pas ? Mais Dieu se révèle dans le fragile, dans le quotidien, dans ce qui est dérisoire aux yeux du monde : un sourire, un geste de tendresse, une présence qui apaise. L’humanité ne pouvait s’attendre à ce qu’un petit enfant, né dans la précarité, sauve le monde. Et voilà que nous devons apprendre à reconnaître les signes de sa venue dans ce qui est fragile, subtil, délicat.

Imaginez les volcans en colère, la fumée, la mer déchaînée, les villes en ruines. Imaginez vos propres peurs, vos nuits, vos douleurs, vos pertes. Et au milieu de tout cela, un enfant. Fragile, innocent, présent. Dans ce chaos, Dieu choisit de venir. Dans ce chaos, nous pouvons relever la tête, chercher la lumière, percevoir sa présence, construire l’espérance.

Relever la tête, ce n’est pas fuir le chaos. C’est s’orienter vers la promesse, laisser la lumière pénétrer nos ténèbres. Relever la tête, c’est accueillir Celui qui vient au milieu de nos ruines et de nos fragilités et nous dit : « Je suis là, même dans vos nuits. Et je vous emmène plus loin. Vers un avenir à espérer »

Que ce temps de l’Avent soit pour chacune et chacun d’entre nous, un temps d’espérance. Un temps pour relever la tête. Un temps pour ouvrir nos yeux et nos cœurs à la lumière qui vient. Un temps pour vivre de cette promesse : notre délivrance approche. Amen.

Sophie Jung, pasteure